ANNE-CHRISTINE TINEL, porteuse de projet
A huit ans mon livre fétiche est Mon bel oranger, histoire d’un enfant qui parle avec un arbre. A l’adolescence je me découvre sourcière. Trente ans plus tard je développe ce don ; j’apprends à localiser une eau souterraine, à mesurer sa profondeur, son débit. Le coudrier est mon allié. Liée à l’eau, je développe une sensibilité exacerbée au monde végétal. Aujourd'hui, convaincue de l'urgence de réinventer notre rapport au monde, j'écris et je mets en scène des projets en lien avec l'écologie. Dans mon imaginaire, le monde sauvage occupe une place de choix.
Qui je suis, en quelques mots...
J’ai été amenée à beaucoup bouger : j’ai passé mon enfance en Algérie, mon adolescence à Lyon ; hantée par le sud je suis revenue rôder vers la Méditerranée, dans Lubéron, puis à Tunis. L'oppression est devenue une thématique récurrente après l'expérience de la dictature de Ben Ali. De retour au France j’ai vécu en Occitanie. Depuis peu j’ai trouvé en Bretagne un paysage dans lequel je me sens bien.
Agrégée de lettres j’ai enseigné du collège à l’Université. Aujourd’hui je me consacre pleinement à l’écriture., à la mise en scène et au portage de projets en lien avec des territoires.
ECRITURE
J’ai deux écritures. L’une, intimiste, au long cours, se déploie dans le roman. L’autre s’aventure dans les arts de la scène. Formée à l’ENSATT j’écris du théâtre surtout. J’aime m’embarquer dans des aventures collectives, répondre à des commandes et découvrir des territoires que je connais moins. Cela m’a amenée à écrire des livrets d'opéra, des pièces pour la rue, pour la danse, des pièces radiophoniques… Aujourd’hui j’ai créé Carène en campagne pour accompagner mes projets.
J’aime que mon écriture tisse des liens entre amateurs et professionnels, entre artistes et habitants d’un territoire.
Portrait par Elise Blaché, dramaturge :
« Anne-Christine Tinel écrit sur la crête. Elle creuse les failles d'humanités en déséquilibres.
Elle écrit des romans (éditions Elyzad) et du théâtre.
Je l'ai rencontrée lors d'une séance de dramaturgie du collectif à mots découverts autour de Dans le formulaire en 2016. Une femme s’y débat avec la violence manageriale et la retourne contre d'autres : parcours complexe et ambiguë où la lecture politique des rouages de nos sociétés garde un oeil sur les eaux troubles de nos intimités.
Depuis nous tissons des liens autour de ses pièces Fartlek, Passage du convoi cette nuit, Un mouchoir dans les ronces, Tremblez, Un chien dans la gorge.
Chacune à leur façon explorant des pistes « casse gueule », les interstices où se glissent le doute, le désir, l’émancipation, l’amour aussi, toujours. Ses personnages, ils ne sont pas nets mais ils sont portés par une soif de vivre qui se dit avec délicatesse et humour, avec humilité. Chaque pièce a sa langue, son parlé, une étrangeté qui se niche dans le creux des mots comme dans les plis du sentiment. Il y a dans ses histoires comme une loyauté à déplier nos contradictions, à débusquer ce qui voudrait rester caché et qui dit la tendresse âpre de la vie des hommes, c’est cru et lumineux à la fois.
Anne-Christine a vécu de l’autre côté de la Méditerranée, c’est peut-être de là qu’elle tient son goût du grand écart. Elle dit « il y a un tiret dans mon prénom, c’est pas pour rien, je suis à cet endroit-là », l’endroit du lien, faire lien, jeter des ponts. »
EXPERIENCE DU PLATEAU, MISE EN SCÈNE
Ecrire m'a amenée souvent à vivre le plateau. Etrangement, c'est vers des pratiques n'exigeant pas les mots ou très peu, que je me suis portée, telles le clown, la danse. Eprouver cette dimension non verbale du plateau, en prendre la mesure, pour lui donner sa place dans l'écriture. Avec la chérographe Frédérique Pageard et sa compagnie, Le Geste Apprivoisé, j'ai eu le bonheur de danser sur des scènes dédiées comme dans la rue, ou en espace rural.
Ma première mise en scène est celle de l'opéra contemporain de David Ducros, créé en 1998 au festival classique de Haute Provence, Dialogue parmi les eaux mortes, dont j'ai écrit le livret.
A Tunis, j'anime un atelier théâtre qui se transforme en quelques années en une troupe, avec laquelle je monte notamment Les ronces ou la dépossession (création aux JEPTAV de Sousse).
De retour en France, je crée Les labos du mardi qui rassemblent des amateurs et des professionnels. De ce labo émane notamment Dans le formulaire (Aide à la création CNT-ARTCENA 2016) dont je propose une lecture théâtralisée au festival de théâtre d'été à Samatan.
L'écriture souvent se fait à la table, parfois elle émerge d'improviations que je dirige ; ainsi Ne compte pas sur moi pour être triste avec la troupe de l'Epingle, mis en scène par Caroline Bertran Hours (2015) a bénéficié d'une aide du Ministère de la culture.
Parfois l'écriture se trouve et se met en scène conjointement dans des collaborations avec des metteurs en scène et parfois des plasticiens ainsi Un mouchoir dans les ronces, créé par La langue Ecarlate sous le titre Les petits poussés.
J'aime aussi accompagner des metteurs en scènes et des compagnies sur le plan de la dramaturgie, dans des projets destinés aussi bien à être joués dans des théâtres que dans la rue.